mon frère inquiet : — Est-ce que tu te fatigues ? que je lui dis.
— Non, ce n’est pas ça, mais c’est que je ne vois plus Giovanni. C’était le frère de Philippe.
Je me retournai, je regardai de tous les côtés ; peine perdue, il était allé rejoindre Jordano. Et ça, sans dire un mot, de peur de nous effrayer.
Voilà ce que c’est que les marins ; pourtant je dis en moi-même un Ave Maria, moitié pour lui, moitié pour moi, et je me mis à faire un peu de planche pour me reposer. Ça alla comme ça encore une heure ; de temps en temps je regardais mon frère, il devenait de plus en plus pâle.
— Est-ce que tu es fatigué, Baptiste ?
— Non, pas encore, mais nous ne sommes plus que huit.
— Une barque, cria le capitaine.
En effet, à l’extrémité du cap, nous voyions pointer une voile qui venait de notre côté ; ça nous redonna des forces, et nous nous remîmes à nager bravement. Elle venait à nous , mais elle devait être encore plus d’une heure avant de nous rejoindre.
— Je n’irai jamais jusqu’à elle, dit Baptiste.
— Appuie-toi sur moi.
— Pas encore.
— Alors ne te presse pas et respire sur ta brassée.
— C’est ma diable de veste qui me gêne.
— Du courage.
Ça alla bien comme ça trois quarts d’heure. La barque approchait à vue d’œil ; elle ne devait pas être à plus d’une lieue de nous. J’entendis Baptiste qui toussait ; je me retournai vivement. — Ce n’est rien, dit-il, ne ce n’est rien.
— Si fait, c’est quelque chose, que je lui répondis ; allons, allons, pas de bravade, et mets ta main sur mon épaule, ça soulage.
— Approche-toi de moi alors, car je sens que je m’engourdis. En deux brassées je l’avais rejoint ; je lui mis la main sur mon cou, ça le soulagea.
— La barque nous a vus, cria le capitaine.
— Entends-tu, Baptiste ? la barque nous a vus ; nous sommes sauvés.