Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/121

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que encore que celui qu’il venait de remplir, se répandit dans toute la Sicile. Térésa, cette jeune sœur de lait de la comtesse de Castel-Novo, dont nous avons déjà parlé, venait d’épouser un des campieri du vice-roi, lorsque le soir même du mariage, et comme les jeunes époux allaient ouvrir le bal par une tarentelle, Bruno, une paire de pistolets à la ceinture, s’était tout à coup trouvé au milieu des danseurs. Alors il s’était avancé vers la mariée, et, sous prétexte qu’elle lui avait promis de danser avec lui avant de danser avec aucun autre, il avait voulu que le mari lui cédât sa place. Le mari, pour toute réponse, avait tiré son couteau ; mais Pascal, d’un coup de pistolet, l’avait étendu roide mort ; alors, son second pistolet à la main, il avait forcé la jeune femme, pâle et presque mourante, à danser la tarentelle près du cadavre de son mari ; enfin, au bout de quelques secondes, ne pouvant plus supporter le supplice qui lui était imposé en punition de son parjure, Térésa était tombée évanouie.

Alors Pascal avait dirigé contre elle le canon du second pistolet, et chacun avait cru qu’il allait achever la pauvre femme ; mais, songeant sans doute que dans sa situation la vie était plus cruelle que la mort, il avait laissé retomber son bras, avait désarmé son pistolet, l’avait repassé dans sa ceinture, et était disparu sans que personne essayât même de faire un mouvement pour l’arrêter.

Cette nouvelle, à laquelle on hésitait d’abord à croire, fut bientôt confirmée par le vice-roi lui-même qui, furieux de la mort d’un de ses plus braves serviteurs, donna les ordres les plus sévères pour que Pascal Bruno fût arrêté. Mais c’était chose plus facile à ordonner qu’à faire ; Pascal Bruno s’était fait bandit, mais bandit à la manière de Karl Moor, c’est-à-dire bandit pour les riches et pour les puissans, envers lesquels il était sans pitié ; tandis qu’au contraire les faibles et les pauvres étaient sûrs de trouver en lui un protecteur ou un ami. On disait que toutes les bandes disséminées jusque-là dans la chaîne de montagnes qui commence à Messine et s’en va mourir à Trapani, s’étaient réunies à lui et l’avaient nommé leur chef, ce qui le mettait presque à la tête d’une armée ; et cependant, toutes les fois qu’en le