Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/140

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animaux sauvages dans leur tanière, de racines, de fruits et de coquillages ; quant à un loyer quelconque, il est bien entendu qu’il n’en est pas question.

La vieille femme nous fit voir l’appartement qu’habitait Pascal et la chambre dans laquelle lui et ses quatre compagnons avaient soutenu un siège de près de trente-six heures : les murs extérieurs étaient criblés de balles : les contrevens de chaque fenêtre, les parois de la chambre étaient mutilés. Je comptai celles qui avaient frappé dans un seul contrevent, il y en avait dix-sept.

En descendant, on me montra la niche où étaient enfermés les quatre fameux chiens corses qui ont laissé dans le village un souvenir presque aussi terrible que celui de leur maître.

Nous retournâmes à l’hôtel : il était trois heures de l’après-midi, je n’avais donc pas de temps à perdre pour revenir à Messine.

A huit heures du soir j’étais à Messine : c’était une demi-heure trop tard pour sortir du port et m’en aller coucher à San-Giovanni ; d’ailleurs mes rameurs n’étaient pas prévenus, et chacun d’eux sans doute avait déjà pris pour sa soirée des arrangemens que ma nouvelle résolution aurait : fort contrariés ; je remis donc mon départ au lendemain matin.

À six heures du matin Pietro était à ma porte avec Philippe, le reste de l’équipage attendait dans la barque. Le maître de l’hôtel me remit mon passe-port visé à neuf, précaution qu’il ne faut jamais négliger quand on passe de Sicile en Calabre ou de Calabre en Sicile, et nous prîmes congé, probablement pour toujours, de Messine la Noble ; nous étions restés un peu plus de deux mois en Sicile.

Notre retour à San-Giovanni fut moins rapide que ne l’avait été notre départ pour La Pace : la traversée était la même, mais elle se faisait d’un cœur bien différent ; j’avais prévenu mes hommes que je les emmenais encore pour un mois à peu près, et, à part Pietro, que sa joyeuse humeur ne quittait jamais, tout l’équipage était assez triste.

En arrivant, je trouvai une lettre de Jadin, laquelle lettre me prévenait qu’ayant commencé la veille un dessin de Scylla, il était parti au point du jour avec Milord et le mousse,