Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/158

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nos applaudissemens à ceux de la foule, lorsque les cris de : La danse du Tailleur ! la danse du Tailleur ! retentirent, proférés d’abord par deux ou trois personnes, puis ensuite répétés frénétiquement non-seulement par les invités qui se trouvaient à bord, mais encore par les spectateurs qui garnissaient le rivage. Agnolo se retourna vers nous, comme pour dire que puisqu’il était notre hôte, il ne ferait rien qu’avec notre consentement ; nous joignîmes alors nos instances à celles qui le sollicitaient déjà. Alors Agnolo, saluant gracieusement la foule, fit signe qu’il allait se rendre au désir qu’on lui exprimait. Cette condescendance fut à l’instant même accueillie par des applaudissemens unanimes, et la musique commença une ritournelle bizarre, qui eut le privilège d’exciter à l’instant même l’hilarité parmi tous les assistans.

Comme j’ai le malheur d’avoir la compréhension très difficile à l’endroit des ballets, je m’approchai du capitaine, et lui demandai ce que c’était que la danse du Tailleur.

— Ah ! me dit-il, c’est une de leurs histoires diaboliques, comme ils en ont par centaines dans leurs montagnes. Que voulez-vous ? ce n’est pas étonnant, ce sont tous des sorciers et des sorcières en Calabre.

— Mais enfin, à quelle circonstance cette danse a-t-elle rapport ?

— C’est un brigand de tailleur de Calanzaro, maître Térence, qui a fait gratis une paire de culottes au diable, à la condition que le diable emporterait sa femme. Pauvre femme ! Le diable l’a emportée tout de même.

— Bah !

— Oh ! parole d’honneur !

— Comment cela ?

— En jouant du violon. On n’en a plus entendu parler jamais, jamais.

— Vraiment ?

— Oh ! mon Dieu ! oui, il vit encore. Si vous passez à Calanzaro, vous pourrez le voir.

— Qui ? le diable ?

— Non, ce gueux de Térence. C’est arrivé il n’y a pas plus de dix ans, au su et au vu de tout le monde. D’ailleurs,