Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/165

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parvinrent à s’embarquer sous la protection du fort que défendait une garnison du 62e régiment de ligne anglais.

À peine maîtres de la ville, les Français établirent sur la montagne qui la domine une batterie de canons destinée à battre le fort en brèche. Le 9, la batterie commença son feu ; le 15, la garnison anglaise fut sommée de se rendre. Sur son refus, le feu continua ; mais dans la nuit du 46 au 47 une flottille de petits bâtimens partit des côtes de Sicile et vint aborder sans bruit au pied du roc. Le jour venu, les assiégeans s’aperçurent qu’on ne répondait pas à leur feu ; en même temps ils eurent avis que les Anglais s’embarquaient pour la Sicile. Cet embarquement leur avait paru impossible à cause de l’escarpement du roc taillé à pic ; mais il fallut bien qu’ils en crussent leurs yeux lorsqu’ils virent les chaloupes s’éloigner chargées d’habits rouges. Ils coururent aussitôt à l’assaut, s’emparèrent de la forteresse sans résistance aucune, et arrivèrent au haut du rempart juste à temps pour voir s’éloigner la dernière barque. Un escalier taillé dans le roc, et qu’il était impossible d’apercevoir de tout autre côté que de celui de la nier, donna l’explication du miracle. Les canons du fort furent aussitôt tournés vers les fugitifs, et un bateau chargé de cinquante hommes fut coulé bas ; les autres, craignant le même sort, firent force de voiles pour s’éloigner, laissant leurs compagnons se tirer de là comme ils pourraient. Les trois quarts s’en tirèrent en se noyant, l’autre quart regagna la côte à la nage et fut fait prisonnier par les vainqueurs. On trouva dans le fort dix-neuf pièces de canon, deux mortiers, deux obusiers, une caronade, beaucoup de munitions, et cent-cinquante barils de biscuit.

La prise de Scylla mit fin à la campagne ; c’était le seul point où le roi Ferdinand posât encore le pied en Calabre ; et Joseph Napoléon, passé roi depuis dix-huit mois, se trouva ainsi maître de la moitié du royaume de son prédécesseur.

J’avoue que ce fut avec un certain plaisir qu’à l’extrémité de la Péninsule italique je retrouvai la trace des boulets français sur une citadelle de la Grande-Grèce.

L’heure était écoulée : nous avions donné rendez-vous à notre muletier de l’autre côté de la ville. Nous revînmes donc sur la grande route, où, après un instant d’attente, nous