Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/167

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nous descendîmes, on nous annonça que, notre guide n’étant point rentré, on n’avait pas pu lui faire part de nos intentions, et que, par conséquent, elles n’étaient pas exécutées. Notre résolution fut prise à l’instant même : nous fîmes faire notre compte et celui de nos mulets, nous payâmes total et bonne main ; nous allâmes droit a l’écurie, nous sellâmes nos montures, nous montâmes dessus, et nous dîmes à l’hôte que lorsque le muletier reviendrait il n’avait qu’à lui dire qu’en courant après nous il nous rejoindrait sur le chemin de Palma. Il n’y avait point à se tromper, ce chemin étant la grande route.

Comme nous atteignions l’extrémité de la ville, nous entendîmes derrière nous des cris perçans ; c’était notre Calabrais qui s’était mis à notre poursuite, et qui n’aurait pas été fâché d’ameuter quelque peu ses compatriotes contre nous. Malheureusement, notre droit était clair : nous n’avions fait que six lieues dans la journée, ce n’était point une étape. Il nous restait encore trois heures de jour à épuiser et sept milles seulement à faire pour arriver a Palma. Nous avions donc le droit d’aller jusqu’à Palma. Notre guide alors essaya de nous arrêter par la crainte, et nous jura que nous ne pouvions pas manquer d’être arrêtés deux ou trois fois en voyageant à une pareille heure ; et, à l’appui de son assertion, il nous montra de loin quatre gendarmes qui sortaient de la ville et conduisaient avec eux cinq ou six prisonniers. Or ces prisonniers n’étaient autres, assurait notre homme, que des voleurs qui avaient été pris la veille sur la route même que nous voulions suivre. À ceci nous répondîmes que, puisqu’ils avaient été pris, ils n’y étaient plus ; et que d’ailleurs, s’il avait besoin effectivement d’être rassuré, nous demanderions aux gendarmes, qui suivaient la même route, la permission de voyager dans leur honorable société. À une pareille proposition, il n’y avait rien à répondre ; force fut donc à notre malheureux guide d’en prendre son parti : nous mîmes nos mules au petit trot, et il nous suivit en gémissant.

Je donne tous ces détails pour que le voyageur qui nous succédera dans ce bienheureux pays sache à quoi s’en tenir, une fois pour toutes ; faire ses conditions, par écrit d’abord, et avant tout ; puis, ces conditions faites, ne céder jamais sur