Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aucune d’elles. Ce sera une lutte d’un jour ou deux ; mais ces quarante-huit heures passées, votre guide, votre muletier ou votre vetturino aura pris son pli, et, devenu souple comme un gant, il ira de lui-même au devant de vos désirs. Sinon, on est perdu : on rencontrera à chaque heure une opposition, à chaque pas une difficulté ; un voyage de trois jours en durera huit, et là où l’on aura cru dépenser cent écus on dépensera mille francs.

Au bout de dix minutes nous avions rejoint nos gendarmes. A peine eus-je jeté les yeux sur leur chef, que je reconnus mon brigadier de Scylla : c’était jour de bonheur.

La reconnaissance fut touchante ; mes deux piastres avaient porté leurs fruits. Je n’aurais eu qu’un mot à dire pour faire accoupler mon muletier à un voleur impair qui marchait tout seul. Je ne le dis pas, seulement je fis comprendre d’un signe à ce drôle-là dans quels rapports j’étais avec les autorités du pays.

J’essayai d’interroger plusieurs des prisonniers ; mais par malheur j’étais tombé sur tes plus honnêtes gens de la terre, ils ne savaient absolument rien de ce que la justice leur voulait. Ils allaient à Cosenza, parce que cela paraissait, faire plaisir à ceux qui les y menaient, mais ils étaient bien convaincus qu’ils seraient à peine arrivés dans la capitale de la Calabre citérieure, qu’on leur ferait des excuses sur l’erreur qu’on avait commise à leur endroit, et qu’on les renverrait chaeun chez soi avec un certificat de bonnes vie et mœurs.

Voyant que c’était un parti pris, je revins à mon brigadier ; malheureusement lui même était fort peu au courant des faits et gestes de ses prisonniers ; il savait seulement que tous étaient arrêtés sous prévention de vol à main armée, et que parmi eux trois ou quatre étaient accusés d’assassinat.

Malgré la promesse faite à mon guide, je trouvai la société trop choisie pour rester plus longtemps avec elle, et, faisant un signe à Jadin, qui y répondit par un autre, nous mîmes nos mules au trot. Notre guide voulut recommencer ses observations ; mais je priai mon brave brigadier de lui faire à l’oreille une petite morale ; ce qui eut lieu à l’instant même, et ce qui produisit le meilleur effet.

Moyennant quoi nous arrivâmes vers sept heures du soir à