Aller au contenu

Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

forcé d’obéir, sauta du seuil de la porte au milieu de la chambre, et se mit à valser frénétiquement, bien qu’elle jetât les hauts cris et s’arrachât les cheveux de désespoir ; tandis que Térence, sans lâcher la queue du diable, tournait sur lui-même, et que les pelles, les pincettes, les chaises, les tabourets, les ciseaux, les épingles et les aiguilles reprenaient part au ballet diabolique. Cela dura dix minutes ainsi, pendant lesquelles le vieux gentilhomme eut l’air de fort s’amuser des cris et des contorsions de Judith, qui, à la dernière mesure, finit, comme avait fait Térence, par tomber haletante sur le carreau, en même temps que tous les autres meubles, auxquels la tête tournait, roulaient pêle-mêle dans la chambre.

— Maintenant, dit le musicien avec une petite pause, comme tout cela n’est qu’un prélude et que je suis homme de parole, vous allez, mon cher Térence, ouvrir la port ; je vais jouer un petit air pour Judith toute seule, et nous allons nous en aller danser ensemble en plein air.

Judith poussa un cri terrible en entendant ces paroles et essaya de fuir ; mais au même instant un air nouveau retentit, et Judith, entraînée par une puissance surnaturelle, se remit à sauter avec une vigueur nouvelle, tout en suppliant maitre Térence, par tout ce qu’il avait de plus sacré au monde, de ne point souffrir que le corps et l’âme de sa pauvre femme suivissent un pareil guide ; mais le tailleur, sourd aux cris de Judith, comme si souvent Judith avait été sourde aux siens, ouvrit la porte comme le lui avait commandé !e gentilhomme cornu ; aussitôt le vieillard s’en alla, sautillant sur ses pieds fourchus, et tirant une langue rouge comme flamme, suivi par Judith, qui se tordait les bras de désespoir tandis que ses jambes battaient les entrechats les plus immodérés et les bourrées les plus frénétiques. Le tailleur les suivit quelque temps pour voir où ils allaient comme cela, et il les vit d’abord traverser en dansant un petit jardin, puis s’enfoncer dans une ruelle qui donnait sur la mer, puis enfin disparaître dans l’obscurité. Quelque temps en core il entendit le son strident du violon, le rire aigre du vieillard et les cris désespérés de Judith ; mais tout à coup, musique, rires, gémissemens cessèrent ; un bruit, comme