Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/198

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troupes autrichiennes, et à la reine sa femme. Comme il achevait ces dépêches, deux tailleurs qu’on avait fait venir de Monteleone arrivèrent.

Aussitôt Murat, avec cette frivolité d’esprit qui le caractérisait, passa des affaires de vie et de mort qu’il venait de traiter, à la commande, non pas de deux uniformes, mais de deux costumes complets : il expliqua dans les moindres détails quelle coupe il désirait pour l’habit, quelle couleur pour les pantalons, quelles broderies pour le tout ; puis, certain qu’ils avaient parfaitement compris ses instructions, il leur donna quelques louis d’arrhes, et les congédia en leur faisant promettre que ses vêtemens seraient prêts pour le dimanche suivant.

Les tailleurs sortis, Murat s’approcha d’une de ses fenêtres : c’était celle qui donnait sur la plage où il avait été arrêté. Une grande foule de monde était réunie au pied d’un petit fortin qu’on y peut voir encore aujourd’hui à fleur de terre. Murat chercha vainement à deviner ce que faisait là cet amas de curieux. En ce moment le concierge entra pour demander au prisonnier s’il ne voulait point souper. Murat l’interrogea sur la cause de ce rassemblement.

— Oh ! ce n’est rien, répondit le concierge.

— Mais enfin que font là tous ces gens ? demanda Murat en insistant.

— Bah ! répondit le concierge, ils regardent creuser une fosse.

Murat se rappela qu’au milieu du trouble amené par sa catastrophe il avait effectivement vu tomber près de lui un de ses deux compagnons, et que celui qui était tombé était Campana : cependant tout s’était passé d’une façon si rapide et si imprévue qu’à peine s’il avait eu le temps de remarquer les circonstances les plus importantes qui avaient immédiatement précédé et suivi son arrestation. Il espérait donc encore qu’il s’était trompé, lorsqu’il vit deux hommes fendre le groupe, entrer dans le petit fortin, et en sortir cinq minutes après portant le cadavre ensanglanté d’un jeune homme entièrement dépouillé de ses vêtemens : c’était celui de Campana.

Murat tomba sur une chaise, et laissa aller sa tête dans