Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/21

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pensait que celui-là était une femme. Quand le jeune comte eût été tué, l’un des bandits s’approcha du cadavre, le regarda attentivement, puis, faisant signe au plus petit et au plus mince de ses camarades de venir le joindre : — Est-ce bien lui ? demanda-t-il. — Oui, répondit laconiquement celui auquel était adressée cette question. Puis tous deux se retirèrent à l’écart, causèrent un instant à voix basse, et sautant sur des chevaux qui les attendaient tout sellés et tout bridés dans l’angle d’une roche, ils disparurent, laissant aux autres bandits le soin de visiter les poches et le porte-manteau du jeune comte ; ce dont ils s’acquittèrent religieusement.

Quant au blessé, il avait fait le mort ; et comme, en sa qualité de domestique, on le supposait naturellement moins chargé d’argent que son maître, les bandits l’avaient visité à peine, satisfaits sans doute de ce qu’ils avaient trouvé sur le comte ; puis, après cette courte visite, qui lui avait cependant coûté sa bourse et sa montre, ils étaient partis, emportant dans la montagne les cadavres de leurs deux camarades tués.

Il n’y avait pas moyen de poursuivre les meurtriers ; les deux comtes confièrent donc ce soin à la police de Syracuse et de Catane ; il en résulta que les meurtriers restèrent inconnus et demeurèrent impunis : quant à don Ramiro, son cadavre fut ramené à Catane, où il reçut une sépulture digne de lui dans les caveaux de ses ancêtres. Cet événement, si terrible qu’il fût pour les deux familles, avait cependant, comme toutes les choses de ce monde, son bon et son mauvais côté : grâce à la mort de don Ramiro, Albano devenait l’aîné de la famille ; il ne pouvait donc plus être question pour lui d’embrasser l’état ecclésiastique ; c’était à lui maintenant à soutenir le nom et à perpétuer la race des Rizzari.

Il fut donc rappelé à Catane.

Nous ne scruterons pas le cœur des deux jeunes gens ; le cœur le plus pur a son petit coin gangrené par lequel il tient aux misères humaines, et ce fut dans ce petit coin que Costanza et Albano sentirent en se revoyant remuer et revivre l’espoir d’être un jour l’un à l’autre.