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Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/210

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pendant la montée. Arrivé à sa dernière marche, on a à sa droite la prison des condamnés correctionnels, à sa gauche l’entrée de la chambre qu’occupa Murat, et derrière soi, dans un rentrant de l’escalier, la place où il fut fusillé. Le mur qui s’élève derrière la marche sur laquelle Murat était monté porte encore la trace de six balles. Trois de ces six balles ont traversé le corps du condamné.

Nous entrâmes dans la chambre. Comme toutes les chambres des pauvres gens en Italie, elle se compose de quatre murailles nues, blanchies à la chaux et recouvertes d’une multitude d’images de madones et de saints ; en face de la porte était le lit où le roi sua son agonie de soldat. Nous vîmes deux ou trois enfans couchés pêle-mêle sur ce lit. Une vieille femme accroupie, et qui avait peur du choléra, disait son rosaire dans un coin ; dans la chambre voisine, où s’était tenue la commission militaire, des soldats chantaient à tue-tête.

L’homme qui nous faisait les honneurs de cette triste habitation était le fils de l’ancien concierge ; c’était un homme de trente-cinq ou trente-six ans. Il avait vu Murat pendant les cinq jours de sa détention, et se le rappelait à merveille, puisqu’il pouvait avoir à cette époque quinze ou seize ans.

Au reste, aucun souvenir matériel n’était resté de cette grande catastrophe, à l’exception des balles qui trouent le mur.

Je pris à la chambre claire un dessin très exact de cette cour. Il est difficile de voir quelque chose de plus triste d’aspect que ces murailles blanches, qui se détachent en contours arrêtés sur un ciel d’un bleu d’indigo.

Du château nous nous rendîmes à l’église. La pierre scellée sur le cadavre de Murat n’a jamais été rouverte. A la voûte pend comme un trophée de victoire la bannière qu’il apportait avec lui, et qui a été prise sur lui.

À mon retour à Florence, vers le mois de décembre de la même année, madame Murat, qui habitait cette ville sous le nom de comtesse de Lipona, sachant que j’arrivais du Pizzo, me fit prier de passer chez elle. Je m’empressai de me rendre à son invitation ; elle n’avait jamais eu de détails bien précis