Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les Maïdiens, devaient habiter de pareilles maisons. C’était effroyable à penser ; mais nous étions trop avancés pour reculer. Nous continuâmes donc notre route sans même faire part à notre guide de terreurs qu’il n’aurait point comprises.

Arrivés au pied de la montagne, la pente se trouva si rapide et si escarpée que nous préférâmes mettre pied à terre et chasser nos mulets devant nous. Nous avions fait à peine une centaine de pas en suivant ce chemin, lorsque nous aperçûmes sur la pointe d’un roc une femme en haillons et toute échevelée. Comme nous étions, s’il fallait en croire nos Siciliens, dans un pays de sorcières, je demandai à notre guide à quelle race de stryges appartenait la canidie calabraise que nous avions devant les yeux : notre guide nous répondit alors que ce n’était pas une sorcière, mais une pauvre folle ; et il ajouta que si nous voulions lui faire l’aumône de quelques grains, ce serait une bonne action devant Dieu. Si pauvres que nous commençassions d’être nous-mêmes, nous ne voulûmes pas perdre cette occasion d’augmenter la somme de nos mérites, et je lui envoyai par notre guide la somme de deux carlins : cette somme parut sans doute à la bonne femme une fortune, car elle quitta à l’instant même son rocher et se mit à nous suivre en faisant de grands gestes de reconnaissance et de grands cris de joie : nous eûmes beau lui faire dire que nous la tenions quitte, elle ne voulut entendre à rien, et continua de marcher derrière nous, ralliant à elle tous ceux que nous rencontrions sur notre route, et qui, éloignés de tout chemin, semblaient aussi étonnés de voir des étrangers qu’auraient pu l’être des insulaires des îles Sandwich ou des indigènes de la Nouvelle-Zembie. Il en résulta qu’en arrivant à la première rue nous avions à notre suite une trentaine de personnes parlant et gesticulant à qui mieux mieux, et au milieu de ces trente personnes, la pauvre folle qui racontait comment nous lui avions donné deux carlins, preuve incontestable que nous étions des princes déguisés.

Au reste, une fois entrés dans le bourg, ce fut bien pis : chaque maison, pareille aux sépulcres du jour du jugement dernier, rendit à l’instant même ses habitans ; au bout d’un instant, nous ne fûmes plus suivis, mais entourés de telle