Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/220

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celle qui nous était offerte. Nous nous décidâmes donc à entrer, et ce fut alors que nous passâmes l’inspection des localisés : c’était, comme on l’a vu, à faire dresser les cheveux.

Au reste, notre hôtesse, grâce sans doute à la confidence faite par notre cicérone, était charmante de gracieuseté. Elle accourut dans l’arrière-boutique, qui servait à la fois de salle à manger, de salon et de chambre à coucher, et jeta un fagot dans la cheminée ; ce fut à la lueur de la flamme, qui la forçait de se retirer devant elle, que nous nous aperçûmes que ce que nous avions pris pour un chien de berger était un jeune garçon de dix-huit à vingt ans. À ce dérangement opéré dans ses habitudes, il se contenta de pousser quelques cris plaintifs et de se retirer sur un escabeau dans le coin le plus éloigné de la cheminée, et tout cela avec les mouvemens lents et pénibles d’un reptile engourdi. Je demandai alors à la signora Bertassi où était la chambre qu’elle nous destinait ; elle me répondit que c’était celle-là même ; que nous coucherions, Jadin et moi, dans son lit, et qu’elle et son frère (le crétin était son frère) dormiraient près du feu. Il n’y avait rien à dire à une femme qui nous faisait de pareils sacrifices.

J’ai pour système d’accepter toutes les situations de la vie sans tenter de réagir contre les impossibilités, mais en essayant au contraire de tirer à l’instant même des choses le meilleur résultat possible ; or il me parut clair comme le jour que, grâce aux rats du grenier, à la truie de la boutique et à la multitude d’autres animaux qui devaient peupler la chambre à coucher, nous ne dormirions pas un instant : c’était un deuil à faire ; je le fis, et me rabattis sur le dîner. Il y avait du macaroni, dont je ne mangeais pas ; on pouvait avoir, en cherchant bien et en faisant des sacrifices d’argent, un poulet ou un dindonneau ; enfin le jardin, placé derrière ta maison, renfermait plusieurs espèces de salades. Avec cela et les châtaignes dont nos poches étaient bourrées on ne fait pas un dîner royal, mais on ne meurt pas de faim.

Qu’on me pardonne tous ces détails ; j’écris pour les malheureux voyageurs qui peuvent se trouver dans une position