Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/226

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nétration à l’endroit des misères humaines, je suis tenté de croire qu’il avait raison.


BELLINI.

Au bout d’une heure et demie de marche nous arrivâmes à Vena.

Notre guide ne nous avait pas trompés, car aux premiers mots que nous adressâmes à un habitant du pays, il nous fut aussi facile de voir que la langue que nous lui parlions lui était aussi parfaitement inconnue qu’à nous celle dans laquelle il nous répondait ; ce qui ressortit de cette conversation, c’est que notre interlocuteur parlait un patois gréco-italique, et que le village était une de ces colonies albanaises qui émigrèrent de la Grèce après la conquête de Constantinople par Mahomet II.

Notre entrée à Vena fut sinistre : Milord commença par étrangler un chat albanais, qui ne pouvait pas, en conscience, vu l’antiquité de son origine et la difficulté de disputer le prix, être soumis au tarif des chats italiens, siciliens ou calabrais, nous coûta quatre carlins : c’était un événement sérieux dans l’état de nos finances ; aussi Milord fut-il mis immédiatement en laisse pour que pareille catastrophe ne se renouvelât point.

Ce meurtre et les cris qu’avaient poussés, non pas la victime, mais ses propriétaires, occasionnèrent un rassemblement de tout le village, lequel rassemblement nous permit de remarquer, aux costumes journaliers que portaient les femmes, que ceux réservés aux dimanches et fêtes devaient être fort riches et fort beaux ; nous proposâmes alors à la maîtresse du chat, qui tenait tendrement le défunt entre ses