Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/227

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bras comme si elle ne pouvait se séparer même de son cadavre, de porter l’indemnité à une piastre si elle voulait revêtir son plus beau costume, et poser pour que Jadin fît son portrait. La négociation fut longue : il y eut des pourparlers fort animés entre le mari et la femme ; enfin la femme se décida, rentra chez elle, et une demi-heure après en sortit avec un costume resplendissant d’or et de broderies : c’était sa robe de noces.

Jadin se mit à l’œuvre tandis que j’essayais de réunir les élémens d’un déjeuner ; mais, quelques efforts que je tentasse, je ne parvins pas même à acheter un morceau de pain. Les essais réitérés de mon guide, dirigés dans la même voie, ne furent pas plus heureux.

Au bout d’une heure Jadin finit son dessin. Alors comme, à moins de manger du chat, qui était passé de l’apothéose aux gémonies et que deux enfans traînaient par la queue, il n’y avait pas probabilité que nous trouvassions à satisfaire l’appétit qui nous tourmentait depuis la veille à la même heure, nous ne jugeâmes pas opportun de demeurer plus longtemps dans la colonie grecque, et nous nous remîmes en selle pour regagner le grand chemin. Sur la route nous trouvâmes un bois de châtaigniers, notre éternelle ressource, nous abattîmes des châtaignes, nous allumâmes un feu, et nous les fîmes griller ; ce fut notre déjeuner, puis nous reprîmes notre course.

Vers les trois heures de l’après-midi nous retombâmes dans la grande route : le paysage était toujours très-beau, et le chemin, que nous avions quitté montant déjà à Fundaco del Fico, continuait de monter encore ; il résulta de cette ascension non interrompue que, au bout d’une autre heure de marche, nous nous trouvâmes sur un point culminant, d’où nous aperçûmes tout à coup les deux mers, c’est-à-dire le golfe de Sainte-Euphémie à notre gauche, et le golfe Squillace à notre droite. Au bord du golfe de Sainte-Euphémie étaient les débris de deux bâtimens qui s’étaient perdus à la côte pendant la nuit où nous-mêmes pensâmes faire naufrage. Au bord du golfe de Squillace s’étendait, sur un espace de terrain assez considérable, la ville de Catanzaro, illustrée quelques années auparavant par l’aventure merveilleuse de maître Térence le