Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/235

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de plus en plus marquées du tremblement de terre : les maisons, éparses sur le bord de la route comme c’est la coutume aux environs des villes, étaient presque toutes abandonnées ; les unes manquaient de toit, tandis que les autres étaient lézardées du haut en bas, et quelques-unes même renversées tout à fait. Au milieu de tout cela, nous rencontrions des Cosentins à cheval avec leur fusil et leur giberne, des paysans sur des voitures pleines de tonneaux rougis par le vin ; puis, de lieue en lieue, de ces migrations de familles tout entières, avec leur instrumens de labourage, leur guitare et leur inséparable cochon. Enfin, en arrivant au haut d’une montagne, nous vîmes Cosenza, s’étendant au fond de la vallée que nous dominions, et, dans une prairie attenante à la ville, une espèce de camp, qui nous parut infiniment plus habité que la ville elle-même.

Après avoir traversé une espèce de faubourg, nous descendîmes par une grande rue assez régulière, mais qui ressemblait par sa solitude à une rue d’Herculanum ou de Pompéïa ; plusieurs maisons étalent renversées tout ù fait, d’autres lézardées depuis le toit jusqu’aux fondations, d’autres enfin avaient toutes leurs fenêtres brisées, et c’étaient les moins endommagées. Cette rue nous conduisit au bord du Busento, où, comme on se le rappelle, fut enterré le roi Alaric ; le fleuve était complètement tari, et l’eau avait disparu sans doute dans quelque gouffre qui s’était ouvert entre sa source et la ville. Nous vîmes dans son lit desséché une foule de gens qui faisaient des fouilles sur l’autorité de Jomandès, qui raconte les riches funérailles de ce roi. A chaque fois que le même phénomène se renouvelle, on fait les mêmes fouilles, et cela sans que les savans Cosentins, dans leur admirable vénération pour l’antiquité, se laissent jamais abattre par les déceptions successives qu’ils ont éprouvées. La seule choie qu’aient jamais produite ces excavations est un petit cerf d’or, qui fut retrouvé à la fin du dernier siècle.

En face de nous et de l’autre côté du Busento était la fameuse auberge du Repos d’Alaric, ouvrant majestueusement sa grande porte au voyageur fatigué. Nous avions trop longtemps soupiré après ce but pour ne pas essayer de l’atteindre le plus vite possible ; en conséquence nous traversâmes le