Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/25

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une ottomane et se mirent à recommencer leurs danses symboliques, seulement ces danses avaient un caractère plus funèbre encore qu’auparavant. Les deux danseurs s’agenouillaient, poussant de tristes lamentations, levant les bras au ciel, et exprimant par toutes les attitudes possibles la douleur qu’ils avaient commencé par parodier. Bientôt cette pantomime si singulièrement prolongée commença de préoccuper les assistans, et surtout la mariée, qui, inquiète de ne pas voir revenir son mari, se glissa dans la chambre voisine, où elle croyait le retrouver ; mais à peine y était-elle entrée que l’on entendit un cri, et qu’elle reparut sur le seuil, pâle, tremblante, et appelant Albano. Le comte de La Bruca accourut aussitôt vers elle pour lui demander la cause de sa terreur ; mais, incapable de répondre à cette question, elle chancela, prononça quelques paroles inarticulées, montra la chambre et s’évanouit.

Cet accident attira l’attention de toute l’assemblée sur la jeune femme : chacun se pressa autour d’elle, les uns par curiosité, les autres par intérêt. Enfin elle reprit ses sens, et, regardant autour d’elle, elle appela avec un cri de terreur profonde Albano, que personne n’avait revu.

Alors seulement on songea aux masques, et l’on se retourna du côté où on les avait laissés pour leur demander ce qu’ils avaient fait du jeune comte ; mais les deux masques, profitant de la confusion générale, avaient disparu.

Le mannequin seul était resté sur l’ottomane, raide, immobile et recouvert de son linceul de pourpre.

Alors on s’approcha de lui, on souleva un pan du linceul, et l’on sentit une main d’homme, mais froide et crispée ; en une seconde on déroula le drap qui l’enveloppait, et l’on vit que c’était un cadavre. On arracha le masque, et l’on reconnut le jeune comte Albano.

Il avait été étranglé dans la chambre voisine, si inopinément et si rapidement sans doute qu’on n’avait pas entendu un seul cri ; seulement les assassins, avec un sang-froid qui faisait honneur à leur impassibilité, avaient déposé une couronne de cyprès sur le lit nuptial.

C’était cette couronne, plus encore que l’absence de son fiancé, qui avait si fort épouvanté Costanza.