trissant la poitrine à coups de poing ; les hommes hurlaient, les femmes poussaient des sanglots, et, non contentes de imposer pénitence à elles-mêmes, fouettaient à tour de bras les malheureux enfans qui étaient accourus comme on va à une fête, et qui de cette façon payaient leur contingent d’expiation pour les péchés que leurs parens avaient commis. C’était une flagellation universelle qui s’étendait de proche en proche, qui se communiquait d’une façon presque électrique, et dans laquelle nous eûmes toutes les peines du monde à empêcher nos voisins de nous faire jouer à la fois un rôle passif et actif. La procession passa ainsi devant nous en marchant au pas, chantant toujours et fouettant sans relâche : nous reconnûmes le prédicateur du dimanche précédent qui remplissait, les yeux levés au ciel, son office de battant et de battu ; seulement, à sa recommandation sans doute, celui qui le suivait et qui par conséquent frappait sur lui, avait, outre les nœuds généralement adoptés, armé sa corde de gros clous, lesquels, à chaque coup que recevait le malheureux moine, laissaient sur ses épaules une trace sanglante ; mais tout cela semblait n’avoir sur lui d’autre influence que de le plonger dans une extase plus profonde : quelle que fût la douleur qu’il dût ressentir, son front ne sourcillait pas, et l’on entendait sa voix au dessus de toutes les autres voix.
Trois fois, en prenant, aussitôt que la procession était passée, notre course par des rues adjacentes, nous nous retrouvâmes sur son nouveau passage ; trois fois, par conséquent, nous assistâmes à se spectacle ; et chaque fois la foi et la ferveur des flagellans semblaient s’être augmentées ; la plupart d’entre eux avaient le dos et les épaules dans un état déplorable ; quant à notre prédicateur, tout le haut de son corps ne faisait qu’une plaie. Aussi chacun criait-il que c’était un saint homme, et qu’il n’y avait pas de justice s’il n’était canonisé du coup.
La procession ou plutôt le martyre de ces pauvres gens dura trois heures. Sortis à onze heures juste de l’église, ils y rentraient à deux heures sonnantes. Quant à nous, nous étions stupéfaits de voir une foi si ardente dans une époque comme la nôtre. Il est vrai que la chose se passait dans la capitale de la Calabre ; mais la Calabre était demeurée huit