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Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/274

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geurs avaient été assassinés, et l’on aura une idée de la rapidité avec laquelle s’écoulèrent les trois heures que dura notre course.

En arrivant sur le versant occidental des montagnes, nous nous trouvâmes de nouveau en face de cette magnifique mer Tyrrhénienne tout étincelante comme un miroir, et au milieu de laquelle nous voyions s’élever comme un phare cet éternel Stromboli que nous n’arrivions jamais à perdre de vue, et que, malgré son air tranquille et la façon toute paterne avec laquelle il poussait sa fumée, je soupçonnai d’être pour quelque chose, avec son aïeul l’Etna et son ami le Vésuve, dans tous les tremblemens que la Calabre venait d’éprouver : peut-être me trompais-je, mais il a tant fait des siennes dans ce genre, qu’il porte les fruits de sa mauvaise réputation.

À nos pieds était San-Lucido, et dans son port, pareil à un de ces petits navires que les enfans font flotter sur le bassin des Tuileries, nous voyions se balancer notre élégant et gracieux speronare qui nous attendait.

Une heure après nous étions à bord.

C’était toujours un moment de bien-être suprême quand, après une certaine absence, nous nous retrouvions sur le pont au milieu des braves gens qui composaient notre équipage, et que du pont nous passions dans notre petite cabine si propre, et par conséquent si différente des localités sici liennes et calabraises que nous venions de visiter. Il n’y avait pas jusqu’à Milord qui ne fit une fête désordonnée à son ami Pietro, et qui ne lui racontât, par les gémissemens les plus variés et les plus expressifs, toutes les tribulations qu’il avait éprouvées.

Au bout de dix minutes que nous fûmes à bord nous levâmes l’ancre. Le vent, qui venait du sud-est, était excellent aussi : à peine eûmes-nous ouvert nos voiles, qu’il emporta notre speronare comme un oiseau de mer.

Alors toute la journée nous rasâmes les côtes, suivant des yeux la Calabre dans toutes les gracieuses sinuosités de ses rivages, et dans tous les âpres accidens de ses montagnes. Nous passâmes successivement en revue Cetraro, Belvedere, Diamante, Scalea et le golfe de Policastro ; enfin, vers le