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IMPRESSIONS DE VOYAGE.


donnant pour le jour suivant rendez-vous à notre capitaine, qui devait nous retrouver à l’hôtel de la Vittoria, où nous étions descendus trois mois auparavant.

Salerne, comme la plupart des villes italiennes, vit sur son ancienne réputation. Son université, si florissante au douzième siècle, grâce à la science arabe qui s’y était réfugiée, n’est plus aujourd’hui qu’une espèce d’école destinée à l’étude des sciences exactes, et où quelques élèves en médecine apprennent tant bien que mal à tuer leur prochain. Quant à son port, bâti par Jean de Procida, ainsi que l’atteste une inscription que l’on retrouve dans la cathédrale, il pouvait être de quelque importance au temps de Robert Guiscard ou de Roger ; mais aujourd’hui celui de Naples l’absorbe tout entier, et à peine est-il cinq ou six fois l’an visité par quelques artistes qui, comme nous, viennent faire un pèlerinage à la tombe de Grégoire le Grand, ou par quelques patrons de barques génoises qui viennent acheter du macaroni.

C’est à l’église de San-Matteo qu’il faut chercher la tombe du seul pape qui ait à la fois mérité le double titre de grand et de saint. Après sa longue lutte avec les empereurs, l’apôtre du peuple vint se réfugier à Salerne, où il mourut en disant ces étranges paroles, qui, à douze cents ans de distance, font le pendant de celles de Brutus. J’ai aimé la justice, j’ai haï l’iniquité ; voilà pourquoi je meurs en exil : Dilexi justitiam, et odivi iniquitatem ; proptere à morior in exilio.

Une chapelle est consacrée à ce grand homme, dont la mémoire, à peu de chose près, est parvenue à détrôner saint Mathieu, et s’est emparé de toute l’église comme elle a fait du reste du monde. Il est représenté debout sur son tombeau, dernière allusion de l’artiste à l’inébranlable constance de ce Napoléon du pontificat.

A quelques pas de ce tombeau s’élève celui du cardinal Caraffa, qui, par un dernier trait d’indépendance religieuse, a voulu être enterré, mort, près de celui dont, vivant, il avait été le constant admirateur.

Au reste, l’église de Saint-Mathieu est plutôt un musée qu’une cathédrale. C’est là qu’on retrouve les colonnes et les bas-reliefs qui manquent aux temples de Pestum, et