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Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/285

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C’est ici peut-être l’occasion de dire quelques paroles de cette miraculeuse locomotive qu’on désigne, de Salerne à Gaëte, sous le nom de calessino, et que je ne crois pas que l’on retrouve dans aucun lieu du monde.

Le calessino a, selon toute probabilité, été destiné, par son inventeur, au transport d’une seule personne. C’est une espèce de tilbury peint de couleurs vives, et dont le siège a la forme d’une grande palette de soufflet à laquelle on ajouterait les deux bras d’un fauteuil. Quand le calessino touchait à son enfance, le propriétaire primitif s’asseyait entre ces deux bras, s’adossait à cette palette, et conduisait lui-même : voilà du moins, ce que semblent m’indiquer les recherches profondes que j’ai faites sur les premiers temps du calessino.

Dans notre époque de civilisation perfectionnée, le calessino charrie d’ordinaire, toujours attelé d’un seul cheval, et sans avoir rien changé à sa forme, de dix personnes au moins à quinze personnes au plus. Voici comment la chose s’opère. Ordinairement, un gros moine, au ventre arrondi et à la face rubiconde, occupe le centre de l’agglomération d’êtres humains que le calessino emporte avec lui au milieu du tourbillon de poussière qu’il soulève sur la route. Derrière le moine, auquel tout se rattache et correspond, est le cocher conduisant debout, tenant la bride d’une main et son long fouet de l’autre ; sur un des genoux du moine est, presque toujours, une fraîche nourrice avec son enfant ; sur l’autre genou, une belle paysanne de Sorrente, de Castellamare ou de Resina. Sur chacun des bras du soufflet où est assis le moine se casent deux hommes, maris, amans, frères ou cousins de la nourrice et de la paysanne. Derrière le cocher se hissent, à la manière des laquais de grande maison, deux ou trois lazzaronis, aux jambes et aux bras nus, couverts d’une chemise, d’un caleçon et d’un gilet ; leur bonnet rouge sur la tête, leur amulette au cou. Sur les deux brancards se cramponnent deux gamins, guides aspirans, cicérone surnuméraires qui connaissent leur Herculanum à la lettre et leur Pompéia sur le bout du doigt. Enfin, dans un filet suspendu au-dessous de la voiture, grouille, entre les deux roues, quelque chose d’informe, qui rit, qui pleure, qui chante,