Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/42

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sur le canon ; l’artilleur, la mèche allumée, se tenait prêt, le peuple avançait toujours, l’artilleur approche la mèche de la lumière, en ce moment le prince Hercule de Butera sort d’une rue transversale, et, sans rien dire, sans faire un signe, vient s’asseoir sur la bouche du canon.

Comme c’était l’homme le plus populaire de la Sicile, le peuple le reconnaît et pousse des cris de joie.

Le prince fait signe qu’il veut parler ; l’artilleur, stupéfait, après avoir approché trois fois la mèche de la lumière, sans que le prince ait même daigné s’en inquiéter, l’abaisse vers la terre. Le peuple se tait comme par enchantement ; il écoute.

Le prince lui fait un long discours, dans lequel il explique au peuple comment la cour, chassée de Naples, rongée par les Anglais et réduite à son revenu de Sicile, meurt de faim elle-même ; il raconte que le roi Ferdinand va à la chasse pour manger, et qu’il a assisté quelques jours auparavant à un dîner chez le roi, lequel dîner n’était composé que du gibier qu’il avait tué.

Le peuple écoute, reconnaît la justesse des raisonnemens du prince de Butera, désarme ses fusils, les jette sur son épaule et se disperse.

Ferdinand et Caroline ont tout vu de leurs fenêtres ; ils font venir le prince de Butera, lequel, à son tour, leur fait un discours très sensé sur le désordre du trésor. Alors les deux souverains offrent d’une seule voix, au prince de Butera, la place de ministre des finances.

— Sire, répondit le prince de Butera, je n’ai jamais administré que ma fortune, et je l’ai mangée.

À ces mots, il tire sa révérence aux deux souverains qu’il vient de sauver, et se retire dans son palais de la Marine, bien plus roi que le roi Ferdinand.

Ce fut en 1818, trois ans après la Restauration de Naples, que l’abolition des majorats et des substitutions fut introduite en Sicile ; celte introduction ruina à l’instant même tous les grands seigneurs sans enrichir leurs fermiers ; les créanciers seuls y trouvèrent leur compte.

Malheureusement ces créanciers étaient presque tous des juifs et des usuriers prêtant à cent et à cent cinquante pour cent à des hommes qui se seraient regardés comme désho-