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Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/54

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un autre nom que le mien, et j’étais entré dans le royaume de Naples par contrebande. Mais je fus bientôt rassuré aux formes toutes gracieuses de notre interlocuteur ; il venait nous demander des nouvelles du reste du monde, avec le quel il était fort rarement en communication, et nous inviter à dîner pour le lendemain : nous lui apprîmes tout ce que nous savions de plus nouveau sur la Sicile, sur Naples et sur la France, et nous acceptâmes son dîner.

De notre côté, nous lui demandâmes des nouvelles de Lipari. Ce qu’il y connaissait de plus nouveau, c’était son orgue éolien dont parle Aristote, et ses étuves dont parle Diodore de Sicile ; quant aux voyageurs qui avaient visité l’île avant nous, les derniers étaient Spallanzani et Dolomieu. Le brave homme, bien au contraire du roi Eole dont il était le successeur, s’ennuyait à crever ; il passait sa vie sur la terrasse de sa maison, une lunette d’approche à la main ; il nous avait vus arriver et n’avait perdu aucun détail de notre débarquement ; puis aussitôt il s’était mis à notre piste. Un instant il nous avait perdus, grâce à notre entrée dans la maison de l’enfant mort, et à notre pause au couvent des Franciscains ; mais il nous avait rattrapés et nous déclara qu’il ne nous lâchait plus. La bonne fortune étant au moins égale pour nous que pour lui, nous nous mîmes à sa disposition, à part notre souper au couvent, pour jusqu’au lendemain cinq heures, à la condition cependant qu’il monterait séance tenante avec nous sur le Campo-Bianco, qu’il nous laisserait une heure pour dîner chez nos Franciscains, et qu’il nous accompagnerait le lendemain dans notre excursion à Vulcano. Ces trois articles, qui formaient la base de notre traité, furent acceptés à l’instant même.

La montagne était derrière nous, nous n’avions donc qu’à nous retourner et à nous mettre à l’œuvre ; elle était toute parsemée d’énormes rochers blanchâtres, qui lui avaient fait donner son nom de Campo-Bianco. Comme je n’étais pas prévenu et que j’avais pris ces rochers au sérieux, je voulus m’appuyer à l’un d’eux pour m’aider dans ma montée ; mais ma surprise fut grande quand, cédant à l’ébranlement que je lui donnai, le rocher, après avoir un instant vacillé sur sa base, se mit à rouler du haut en bas de la montagne,