Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/69

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marcher à la rame ; mais nous n’avions pas fait grand chemin, et à peine étions-nous à dix lieues de Lipari. Comme la mer était parfaitement calme, je dis au capitaine de jeter l’ancre, de faire des provisions pour la journée, et surtout de ne pas oublier les homards ; puis nous descendîmes dans la chaloupe et, prenant Pietro et Philippe pour rameurs, nous leur ordonnâmes de nous conduire sur un des vingt ou trente petits îlots éparpillés entre Panaria et Stromboli. Après un quart d’heure de traversée nous abordâmes à Lisca-Bianca.

Jadin s’assit, déploya son parasol, fixa sa chambre claire, et se mit à faire un dessin général des îles. Quant à moi, je pris mon fusil, et, suivi de Pietro, je me mis en quête des aventures ; elles se bornèrent à la rencontre de deux oiseaux de mer de l’espèce des bécassines, que je tuai tous les deux ; c’était déjà plus que je n’espérais, l’îlot étant parfaitement inhabité et ne possédant pas une touffe d’herbe.

Pietro, qui était très familier avec tous ces rochers petits et grands, me conduisit ensuite à la seule chose curieuse qui existe dans l’île, c’est une source de gaz hydrogène sulfureux qui se dégage de la mer par bulles nombreuses : Pietro en recueillit une certaine quantité dans une bouteille dont il s’était muni à cet effet, et qu’il boucha hermétiquement, en me promettant de me faire voir, à notre retour sur le speronare, una curiosita.

Au bout d’une heure à peu près de station à Lisca-Bianca, nous vîmes le speronare qui se mettait en mouvement et se rapprochait de nous. Il arriva en face de notre île juste comme Jadin achevait son croquis ; de sorte que nous n’eûmes qu’à remonter dans la barque et ramer pendant cinq minutes pour nous retrouver à bord.

Le capitaine avait suivi mon injonction à la lettre : il avait fait une telle récolte de homards ou de langoustes qu’on ne savait où poser le pied, tant le pont en était encombré ; j’ordonnai de les réunir et de faire l’appel : il y en avait quarante.

Je grondai alors le capitaine, et je l’accusai de nous ruiner ; mais il me répondit qu’il prendrait pour lui ceux que je ne voudrais pas, attendu qu’il ne pouvait guère rien trou-