Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/72

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rue sur le rivage. Notre speronare était un habitué du port, et nos matelots étaient fort connus dans l’île : chaque automne ils y font quatre ou cinq voyages pour y charger de la passoline ; joignez à cela seulement deux ou trois autres voyages dans l’année, et c’est plus qu’il n’en faut pour établit des relations de toute nature.

Depuis que nous étions à portée de la voix, il s’était établi entre nos gens et les Stromboliotes une foule de dialogues particuliers coupés de demandes et réponses auxquelles, vu le patois dans lequel elles étaient faites, il nous était impossible de rien comprendre ; seulement il était évident que ce dialogue était tout amical. Pietro paraissait même avoir des intérêts plus tendres encore à démêler avec une jeune fille qui ne nous paraissait nullement préoccupée de cacher les sentimens pleins de bienveillance qu’elle paraissait avoir pour lui. Enfin le dialogue s’anima au point que Pietro commença à se balancer sur une jambe, puis sur l’autre, fit deux ou trois petits bonds préparatoires, et sur la ritournelle chantée par Antonio, commença de danser la tarentelle. La jeune Stromboliote ne voulut pas être en reste de politesse et se mit à se trémousser de son côté ; et cette gigue à distance dura jusqu’à ce que les deux danseurs tombassent rendus de fatigue, l’un sur le pont, l’autre sur le rivage.

C’était le moment que j’attendais pour demander au capitaine où il comptait nous faire passer la nuit ; il nous répondit qu’il était à notre disposition, et que nous n’avions qu’à ordonner. Je le priai alors d’aller nous jeter l’ancre en face du volcan, afin que nous ne perdissions rien de ses évolutions nocturnes. Le capitaine dit un mot ; chacun interrompit sa conversation et courut aux rames. Dix minutes après nous étions ancrés à soixante pas en avant de la face septentrionale de la montagne.

C’était dans Stromboli qu’Éole tenait enchaînés luctantes ventos tempestatesque sonoras. Sans doute, au temps du chantre d’Énée, et quand Stromboli s’appelait Strongyle, l’île n’était pas encore connue pour ce qu’elle est, et elle préparait dans ses profondeurs ces bouillantes et périodiques éjaculations qui en font le volcan le plus poli de la terre.