Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/85

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— C’est cela, vers les neuf heures, voyez-vous. Eh bien ! nous serons donc ce soir à Messine sur les neuf heures. Ça c’est l’Évangile, puisque le vieux l’a dit. Vous n’irez pas coucher à terre cette nuit, vu qu’il sera trop tard pour que le capitaine fasse viser sa patente ; mais demain, au point du jour, vous pourrez descendre prendre une voiture, et comme il n’y a que huit lieues de Messine à Bauso, vous y serez en trois heures.

— Pardieu ! fis-je en l’interrompant, vous avez là une merveilleuse idée, mais je crois que j’en ai encore une meilleure.

— Et laquelle ?

— N’allons pas à Messine, et allons directement au cap Blanc ; c’est à peu près la même distance, et le vent est favorable. Hé bien ! qu’avez-vous donc ?

Cette question était motivée par l’effet que ma proposition venait de produire sur l’équipage. Pietro et ses camarades, si gais il n’y avait qu’un instant, se regardaient avec une sorte d’épouvante. Philippe était rentré dans l’entrepont comme si le diable l’eût tiré par les pieds ; le capitaine était devenu pâle comme un mort.

— Nous irons au cap Blanc si Votre Excellence l’exige, dit-il d’une voix altérée ; nous sommes ici pour obéir à ses ordres ; mais si la chose lui était égale, au lieu d’aller au cap Blanc, nous irions, comme nous en étions convenus d’abord, à Messine ; nous lui en serions tous on ne peut plus reconnaissans. N’est-ce pas, les autres ?

Tous les matelots firent silencieusement un signe de tête approbatif.

— Puis-je au moins savoir le motif de votre répugnance ? demandai-je.

— Pietro vous contera cela : il y était, lui.

— Eh bien ! mes enfans, allons à Messine.

Le capitaine me prit la main et me la baisa. Pietro respira comme si on lui eût enlevé le Stromboli de dessus la poitrine, et le reste de l’équipage parut aussi joyeux que si j’avais donné dix piastres de gratification à chaque homme ; On rompit aussitôt les rangs, et chacun retourna à son poste, a l’exception de Pietro, qui s’assit sur une barrique.