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Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/84

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mes appâts. C’était dit. Ça dura un an. Pendant cette année là j’en ai pris, du poisson, quatre fois plein ce bâtiment-ci, voyez-vous. Au bout de l’année, je lui dis : Va toujours, hein ! la mère. — Oui, qu’elle me dit ; mais cette année je veux t’enrichir. L’année passée tu n’as péché que du poisson, cette année-ci je veux te faire pêcher du corail. — Non, mère, que je lui répondis ; j’ai un de mes camarades qui a été coupé en deux par un chien de mer, et je ne me sens pas de vocation pour ça. — Eh bien ! dit la vieille, tu me signeras un papier, et je te donnerai un onguent avec lequel tu te frotteras, et les chiens de mer ne pourront rien sur toi. — Bon, bon, je lui ai dit-, je connais votre drogue, en voilà assez, n’en parlons plus. Je pris mon bonnet, je courus chez le curé, je lui fis chanter une messe, et tout fut dit. Le lendemain, le surlendemain, je suis retourné à la pêche ; bonsoir, pas un rouget. Alors, quand j’ai vu que ça ne mordait pas, je me suis fait marinier. Voilà quinze ans que je le suis. Et, comme vous le voyez, ça ne m’a pas mal profité puisque j’ai l’honneur d’être au service de Votre Seigneurie.

— Vil flatteur ! dit Jadin en lui donnant un coup de pied d’amitié dans le dos.

— Eh bien, capitaine ! pour en revenir à Pascal Bruno ; il paraît qu’il avait été moins scrupuleux que Pietro, lui.

— Oui, répondit gravement le capitaine ; et la preuve, c’est que, quand on l’a pendu à Palerme, le diable a jeté un si grand cri en lui sortant du corps, que mon père, qui, en sa qualité de capitaine de milice, assistait à l’exécution, s’est sauvé à la tête de sa compagnie, et que dans la bousculade on lui a volé sa giberne et les boucles d’argent de ses souliers. Ça, voyez-vous, par exemple, je peux vous le certifier, car il me l’a bien raconté cent fois.

— Écoutez, dit Pietro, qui, pendant le couplet du capitaine, paraissait avoir profondément réfléchi, voulez-vous des renseignemens sûrs et certains ?

— Mais sans doute, puisqu’il y a une heure que j’en demande.

— Eh bien ! attendez. Nunzio, quand serons-nous à Messine ?

— Ce soir, deux heures après l’Ave-Maria.