Aller au contenu

Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ah ! dit-il, j’avais peur que vous ne tardassiez jusqu’à minuit, — filons.

— Sans rien dire à personne ?

— J’ai payé le médecin, et voilà deux piastres pour la vieille.

— Vous faites les choses grandement, capitaine.

— Pourvu qu’il me reste en arrivant à la Pace deux carlins pour faire dire une messe, c’est tout ce qu’il me faut. En route.

— Oh ! avec votre permission, capitaine, vous ne marcherez pas, nous vous porterons.

— Comme vous voudrez ; mais partons. Nunzio le prit sur son dos comme on prend un enfant, et, attendu que nous n’étions pas à plus de cent pas de l’endroit où nous avions amarré le canot, en dix minutes nous fûmes arrivés. Au moment où nous posions le capitaine dans la barque, nous vîmes une figure blanche se lever lentement sur un des rochers du rivage ; elle nous regarda un instant, puis elle nous sembla glisser le long de la grande pierre, et elle vint vers nous. Pendant ce temps nous poussions la péniche à la mer, ce qui lui donna le temps de s’approcher ; elle n’était plus qu’à quinze pas à peine, lorsque le capitaine l’aperçut.

— La barque est-elle à flot ? s’écria-t-il en se soulevant, et d’une voix aussi forte que s’il était plein de santé.

— Oui, capitaine, répondîmes-nous tous ensemble.

— Eh bien ! à la rame, mes amis, et au large, vivement au large !

La femme poussa un cri : nous nous retournâmes.

— Qu’est-ce que cette femme ? demanda Nunzio.

— Une sorcière, répondit le capitaine en faisant le signe de la croix.

Le canot bondit sur la mer, emporté comme s’il avait des ailes ; quant à la pauvre créature que nous laissions en arrière, nous la vîmes s’affaisser sur le sable, et elle y resta étendue comme si elle était morte.

Quant au capitaine, il était retombé évanoui au fond de la barque.