Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/134

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était venu à douter de lui-même. Enfin, une minute ne s’était pas écoulée, que tous ses doutes furent fixés et qu’il reconnut que le Serpent-Noir avait eu raison : ce nuage n’était rien autre chose qu’une bande innombrable de pigeons qui émigraient vers le nord.

D’abord le capitaine Pamphile fut un instant sans en croire ses yeux : les oiseaux venaient avec un tel bruit et faisaient une telle masse, qu’il était impossible de croire que tous les pigeons du monde réunis pussent former un pareil nuage. Le ciel, qui au nord demeurait encore d’un bleu azur, était entièrement couvert au sud, et aussi loin que le regard pouvait s’étendre, d’une espèce de nappe grise dont on ne voyait pas les extrémités ; bientôt cette nappe, s’étant répandue sur le soleil, en intercepta les rayons à l’instant même ; de sorte qu’on eût dit un crépuscule qui s’avançait au-devant des navigateurs. À l’instant, une espèce d’avant-garde, composée de quelques milliers de ces animaux, passa au-dessus de la barque, emportée avec une rapidité magique ; puis, presque aussitôt, le corps d’armée la suivit, et le jour disparut comme si l’aile de la tempête se fût déployée entre le ciel et la terre.

Le capitaine Pamphile regardait ce phénomène avec un étonnement qui tenait de la stupeur, tandis que les Indiens, au contraire, habitués à ce spectacle, qui se renouvelle pour eux tous les cinq ou six ans, poussaient des cris de joie et préparaient leurs flèches afin de profiter de la manne ailée que le Seigneur leur envoyait. De son côté, le Serpent-Noir chargeait son fusil avec une tran-