Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/166

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ves profondes, et trop rapide pour être traversé à la nage, sans que l’on s’exposât à un péril plus grand peut-être que celui qu’on fuyait ; à droite, des rochers à pic, praticables pour les lézards, mais inaccessibles à tout autre animal ; derrière et devant soi, une route ou plutôt un sentier large comme celui où Œdipe rencontra Laïus.

De son côté, l’animal avait fait halte à une dizaine de pas du capitaine Pamphile, paraissant tout examiner lui-même avec une attention très-particulière.

Le capitaine Pamphile, qui avait rencontré dans sa vie une foule de poltrons déguisés en braves, en augura que l’ours avait peut-être aussi peur de lui qu’il avait peur de l’ours. Il marcha donc à sa rencontre, l’ours en fit autant ; le capitaine Pamphile commença à croire qu’il s’était trompé dans ses conjectures, et s’arrêta ; l’ours continua de marcher. La chose devenait claire comme le jour : ce n’était pas l’ours qui avait peur. Le capitaine Pamphile pivota sur le talon gauche, de manière à laisser le passage libre à son adversaire, et commença à battre en retraite. Il n’avait pas reculé de trois pas, qu’il trouva les rochers à pic ; il s’y adossa pour n’être pas surpris par derrière, et attendit l’événement.

L’attente ne fut pas longue ; l’ours, qui était de la plus grosse espèce, s’avança sur la route jusqu’à l’endroit où l’avait quittée le capitaine Pamphile ; puis, arrivé là, il dessina le même angle qu’avait tracé l’habile stratégiste auquel il avait affaire, et s’avança droit sur lui. La situation était critique ; le lieu était désert ; le capitaine Pam-