Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phile n’avait de secours à attendre de personne ; il ne possédait pour toute arme que son bâton, moyen de défense assez médiocre : l’ours n’était qu’à deux pas de lui, il leva son bâton… À ce geste, l’ours se dressa sur ses pattes de derrière et se mit à danser.

C’était un ours apprivoisé, qui avait rompu sa chaîne et s’était sauvé de New-York, où il avait eu l’honneur de faire ses exercices devant M. Jackson, président des États-Unis.

Le capitaine Pamphile, rassuré par les dispositions chorégraphiques de son ennemi, s’aperçut alors que celui-ci était muselé, et qu’un bout de chaîne brisée pendait à son cou : il calcula aussitôt le parti que pouvait tirer d’une pareille rencontre un homme réduit à la pénurie dans laquelle il se trouvait ; et, comme ni sa naissance ni son éducation ne lui avaient donné ces fausses idées aristocratiques dont tout autre à sa place eut été peut-être préoccupé, il pensa que le métier de conducteur d’ours était fort honorable, relativement à une foule d’autres métiers qu’il avait vu exercer par quelques-uns de ses compatriotes, en France et à l’étranger. En conséquence, il prit le bout de la corde du danseur, lui appliqua un coup de bâton sur le museau pour lui expliquer qu’il était temps de terminer son menuet, et continua sa route vers Philadelphie, le conduisant en laisse comme il eût fait d’un chien de chasse.

Le soir, comme il traversait la prairie, il s’aperçut que son ours s’arrêtait devant certaines plantes qui lui étaient inconnues ; la vie nomade qu’il avait menée l’a-