Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/174

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fit passer sa morue de la casserole sur une assiette, posa l’assiette sur la table, secoua son bidon, s’aperçut qu’il était entamé, et, craignant de manquer au milieu de son repas, sortit par la porte qui donnait sur la cambuse, afin d’aller chercher un supplément de liquide ; le souper était tout dressé, le capitaine Pamphile avait faim, il entra et se mit à table.

Soit que le capitaine, depuis quinze jours, n’eût pas goûté de cuisine européenne, soit qu’effectivement Double-Bouche possédât un talent distingué dans un art qu’il exerçait cependant comme amateur, celui qui profitait du souper, quoiqu’il n’eût pas été fait pour lui, le trouva excellent et procéda en conséquence. Il était au moment le plus brillant de son exécution, lorsqu’il entendit un cri ; il retourna aussitôt la tête et aperçut Double-Bouche sur le seuil de la porte, stupéfait, pâle et immobile : il prenait le capitaine Pamphile pour un fantôme, quoique ledit capitaine se livrât à une occupation qui appartient exclusivement aux habitants de ce monde.

— Eh bien, petit drôle, dit le capitaine sans s’interrompre, voyons, qu’est-ce que tu fais là ? ne vois-tu pas bien que j’étrangle de soif ? Allons, vite à boire !

Les genoux de Double-Bouche commencèrent à trembler et ses dents claquèrent.

— À qui est-ce que je parle ? continua le capitaine Pamphile tendant son verre. Eh bien, un peu, nous décidons-nous ?

Double-Bouche s’approcha avec la même répugnance que s’il s’avançait vers un gibet, et essaya d’obéir ; mais,