Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/175

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dans sa terreur, il versa le vin moitié dans le verre, moitié à côté. Le capitaine ne fit pas semblant de s’apercevoir de cette maladresse, et porta son verre à ses lèvres. Puis, après avoir goûté au contenu, il fit claquer sa langue.

— Bagasse ! dit-il, il paraît que tu connais le bon endroit. Et d’où avez-vous tiré ce vin, dites-moi un peu, monsieur le sommelier ?

— Mais, répondit Double-Bouche arrivé au dernier degré de la terreur, mais au troisième tonneau à gauche.

— Ah ! ah ! du bordeaux-laffitte. Tu aimes le bordeaux-laffitte ?… Je demande si tu aimes le bordeaux-laffitte. Réponds un peu, voyons !

— Certainement, répondit Double-Bouche, certainement, capitaine… Seulement…

— Seulement, il ne supporte pas l’eau, n’est-ce pas ? Eh bien, bois-le pur, mon enfant.

Il prit le bidon des mains de Double-Bouche, versa un second verre de vin et le lui présenta. Double-Bouche le prit, hésita encore un instant ; puis, adoptant enfin une résolution désespérée :

— À votre santé, capitaine ! dit le mousse.

Et il avala la rasade sans perdre de vue celui qui la lui avait versée ; l’effet du tonique fut rapide ; Double-Bouche commença à se rassurer.

— Eh bien, dit le capitaine, à qui cette amélioration dans les facultés physiques et morales de Double-Bouche n’avait point échappé, maintenant que je sais ton goût pour la morue à la maître d’hôtel et ta préférence pour