Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/190

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Jacques, visiblement pour ne pas contrarier Fau, fit des efforts inouïs pour l’avaler ; mais presque aussitôt il la rendit avec des efforts si violents, que Fau crut qu’il allait lui passer entre les bras ; cependant, au bout de quelques minutes, les contractions de l’estomac cessèrent, et Jacques, quoique tremblotant encore de tous ses membres, tant la crise avait été forte, retrouva un instant non pas de repos, mais d’accablement.

Vers les deux heures du matin, les premiers accidents cérébraux se manifestèrent ; ne sachant que donner à Jacques pour le calmer, on lui présenta des pralines et des amandes : le malade reconnut aussitôt ces objets, qui tenaient un rang des plus distingués parmi ses souvenirs gastronomiques. Huit jours auparavant, il se serait fait fouetter et pendre pour des pralines et des amandes. Mais la maladie est une dure correction. Elle avait laissé à Jacques le désir et lui avait enlevé la possibilité : Jacques choisit tristement les pralines qui contenaient des amandes et qui avaient le sucre en plus, et, ne pouvant avaler, il les fourra dans les poches que la nature lui avait octroyées de chaque côté de la mâchoire : de sorte qu’au bout d’un instant ses joues s’abaissèrent sur sa poitrine, comme faisaient les favoris de Charlet avant qu’il ne les eût coupés.

Cependant, quoique Jacques ne pût, à son grand regret, avaler les pralines, il éprouva un certain plaisir dans l’opération intermédiaire qu’il venait d’accomplir : humecté par la salive, le sucre qui enveloppait les amandes fondait doucement, ce qui n’était pas sans douceur pour le moribond ; et, à mesure que le sucre fondait, le volume des