Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/232

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éclairée par cette lune brillante des tropiques, qui seule sait ce qui se passe au milieu des grandes solitudes du continent africain ; de temps en temps, le silence était troublé par les rugissements des hyènes et des chacals qui suivaient les deux armées, et au-dessus desquels s’élevait, comme le roulement du tonnerre, le rauquement lointain de quelque lion. Alors tout se taisait, comme si l’univers eût reconnu la voix du maître, depuis le chant du bengali qui racontait ses amours, balancé dans le calice d’une fleur, jusqu’au sifflement du serpent qui, dressé sur sa queue, appelait sa femelle en élevant sa tête bleuâtre au-dessus de la bruyère ; puis le lion se taisait à son tour, et tous les bruits divers qui lui avaient cédé l’espace s’emparaient de nouveau de la solitude et de la nuit.

Le capitaine Pamphile resta un instant, comme nous l’avons dit, sous le poids de l’impression que devait produire un pareil spectacle ; mais, comme on le sait, le digne marin n’était pas homme à se laisser longtemps détourner par des influences bucoliques d’une affaire aussi sérieuse que celle qui l’avait amené là. Sa seconde pensée le reporta donc de plein saut au milieu de ses intérêts matériels ; alors il vit, de l’autre côté d’un petit ruisseau qui s’échappait de la forêt et allait se jeter dans l’Orange, toute l’armée des Cafres campée et endormie, sous la garde de quelques hommes qu’à leur immobilité on eût pris pour des statues : comme les Petits-Namaquois, ils paraissaient être décidés à livrer la bataille le lendemain, et attendaient de pied ferme leurs ennemis.