Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/236

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traire de ses devoirs, il laissa le docteur et Double-Bouche faire les honneurs de la Roxelane à ses hôtes, et descendit avec les charpentiers dans la cale.

C’est que là se présentait une grave difficulté qui ne demandait rien moins que l’intelligence du capitaine Pamphile pour être résolue. En partant du Havre, le capitaine avait compté sur un échange ; or, les objets échangés prenaient tout naturellement la place les uns des autres. Mais voilà que, par un concours de circonstances inattendues, non-seulement le capitaine Pamphile emportait, mais encore rapportait. Il s’agissait donc de trouver le moyen de loger en plus, dans un navire déjà passablement chargé, deux cent trente nègres.

Heureusement que c’était des hommes ; si c’eût été des marchandises, la chose était physiquement impossible ; mais c’est une si admirable machine que la machine humaine, elle est douée d’articulations si flexibles, elle se tient si facilement sur les pieds ou sur la tête, sur le côté droit ou sur le côté gauche, sur le ventre ou sur le dos, qu’il faudrait être bien maladroit pour n’en pas tirer parti ; aussi le capitaine Pamphile eut bientôt trouvé moyen de tout concilier : il fit transporter ses onze pipes d’eau-de-vie dans la fosse aux lions et dans la soute aux voiles ; car il tenait à ne pas mêler ses marchandises, prétendant avec raison, ou que les nègres feraient tort à l’eau-de-vie, ou que l’eau-de-vie ferait tort aux nègres ; puis il mesura la longueur de la cale. Elle avait quatre-vingts pieds : c’était plus qu’il n’en fallait. Tout homme doit se trouver satisfait lorsqu’il occupe un pied de surface sur le globe,