Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/73

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à même d’acquérir parût à ce dernier le complément obligé de toute bonne éducation, il prit le canard entre ses deux genoux, comme il avait vu faire à son instituteur, et il se mit à la besogne avec une ardeur qui dispensa Double-Bouche de toute voie de fait envers lui ; vers la fin même, et lorsqu’il vit que les plumes disparaissaient, faisant place au duvet et le duvet à la chair, le sentiment qui l’animait s’éleva jusqu’à l’enthousiasme ; si bien que, lorsque la besogne fut entièrement terminée, Jacques se mit à danser, comme il avait fait la veille à côté de la cage de Catacoua.

De son côté, Double-Bouche était dans la joie ; il ne se faisait qu’un reproche, c’était de ne pas avoir profité plus tôt des dispositions de son acolyte ; mais il se promit bien de ne pas les laisser refroidir ; aussi, le lendemain, à la même heure, dans les mêmes circonstances, et les mêmes précautions prises, il recommença la seconde représentation de la pièce de la veille ; elle eut le même succès que la première ; de sorte que, le troisième jour, Double-Bouche, reconnaissant Jacques comme son égal, lui noua son tablier de cuisine à la ceinture et lui confia entièrement la partie des dindons, des poules et des canards ; Jacques se montra digne de sa confiance, et, au bout d’une semaine, il avait laissé son professeur bien loin derrière lui en promptitude et en habileté.

» Cependant le brick marchait comme un navire enchanté : il avait dépassé la terre natale de Jacques, laissé à sa gauche et hors de vue les îles de Sainte-Hélène et de l’Ascension, et s’avançait à pleines voiles vers l’équateur ;