Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/81

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le délinquant remis aux mains de deux matelots, qui eurent ordre précis de le garder à vue.

» Trente-neuf minutes après, montre en main, le docteur entra avec cinq noyaux de prune, que, pour plus grande sûreté, Double-Bouche avait cru devoir avaler avec le reste, et qu’il venait de restituer à son corps défendant. Les preuves du délit étaient palpables, Double-Bouche ayant positivement déclaré n’avoir mangé, depuis huit jours que des bananes et des figues d’Inde ; aussi la punition ne se fit pas attendre : le coupable fut condamné à quinze jours de pain et d’eau, puis, après chaque repas, à recevoir, à titre de dessert, vingt-cinq coups de garcette qui lui furent administrés régulièrement par le contre-maître. Il était résulté de ce petit événement que Double-Bouche, comme nous l’avons dit, détestait cordialement le docteur, et ne laissait jamais, depuis cette époque, échapper une occasion de lui être désagréable.

» Aussi Double-Bouche fut-il le seul qui ne crut pas un mot de ce que disait le docteur : il y avait dans la maladie de Jacques des symptômes que Double-Bouche connaissait parfaitement pour les avoir éprouvés lui-même, lorsqu’il lui était arrivé, surpris au moment où il goûtait à la bouillabaisse du capitaine, d’avaler un morceau de poisson, sans prendre le temps d’en extraire les arêtes. Ses yeux se portèrent donc instinctivement autour de lui pour chercher, par analogie, ce qui avait pu tenter la gourmandise de Jacques. Le papillon et l’épingle avaient disparu ; il n’en fallut pas davantage à Double-Bouche pour lui révéler la vérité tout entière : Jacques avait