Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/82

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le papillon dans le ventre et l’épingle dans le gosier.

» Aussi, lorsque le docteur, la lancette à la main, s’approcha de Jacques, que Double-Bouche tenait entre ses bras, celui-ci déclara-t-il, à la grande stupéfaction et au grand scandale du capitaine et de l’équipage, que le docteur s’était trompé ; que Jacques n’était pas le moins du monde menacé d’apoplexie, mais bien de strangulation, et qu’il n’avait pas pour le moment le moindre épanchement au cerveau, mais une épingle qui lui barrait l’œsophage. En achevant ces paroles, Double-Bouche, employant pour Jacques le remède qu’il pratiquait ordinairement sur lui-même, lui enfonça, à plusieurs reprises, dans le gosier le poireau qu’il tenait par hasard à la main lorsqu’il était accouru aux cris du capitaine, de manière à faire glisser vers des voies plus larges le corps étranger qui était resté dans les voies étroites ; puis, certain que l’opération avait réussi à son honneur, il posa au milieu de la chambre le moribond, qui, au lieu de continuer les gambades exagérées auxquelles tout l’équipage l’avait vu se livrer cinq minutes auparavant, resta assis un instant dans une tranquillité parfaite, comme pour s’assurer que la douleur avait bien disparu ; puis cligna des yeux, puis se mit à se gratter le ventre d’une main, puis à danser sur ses pattes de derrière ; ce qui était, comme nos lecteurs le savent, le signe chez Jacques du parfait contentement. Mais ce n’était pas tout encore, Double-Bouche, pour porter le dernier coup à la réputation du docteur, tendit au convalescent la carotte qu’il avait apportée, de sorte que Jacques, qui était on ne peut plus friand de ce