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En vente chez Delavier, rue Notre-Dame-des-Victoires, 11
Il m’attendait depuis le moment où on lui avait remis ma carte. Il s’était couché la veille à près de minuit, comptant toujours que j’allais venir, et s’était levé au jour.
Il parlait à peine français ; mais, prévenue de mon arrivée, sa femme entra, et nous servit d’interprète.
C’est une fois de plus à constater, sous ce rapport, la supériorité de l’éducation des femmes sur celle des hommes en Russie.
Le colonel se doutait bien que j’avais quelque demande à lui faire, et se mit de lui-même à ma disposition. Je lui expliquai le besoin que j’avais de six chevaux pour gagner Kasafourte ; une fois à Kasafiourte, le prince Mirski, auquel j’étais recommandé, se chargerait de mes moyens de locomotion jusqu’à Theriourth, où je retrouverais la poste.
J’avais deviné juste, le colonel m’offrit toute son écurie : seulement il prétendit que les chevaux ne seraient prêts à partir que lorsque j’aurais déjeuné avec lui.
J’acceptai, mais à la condition que l’invitation me serait renouvelée par ce charmant bambin de dix ans qui connaissait M. Dumas, et avait lu Monte-Cristo.
On ouvrit la porte qui conduisait à ses appartements ; il avait l’œil collé à la serrure, on n’eut qu’à le faire entrer.
Ce qu’il y avait d’extraordinaire, c’est qu’il ne parlait pas français, et avait lu Monte-Cristo en russe.
En déjeunant, la conversation tomba sur les armes. Le colonel vit que j’étais grand amateur ; il se leva et alla me chercher un pistolet tchetchen, monté en argent, et qui, outre sa valeur matérielle, avait une valeur historique.
C’était le pistolet du naïb lesguien Meelkoum-Radjah, tué par Prinée-Chamisoff, sur la ligne lesguienne.
Pendant le déjeuner, le colonel avait envoyé les six chevaux