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Le Collier de la reine

tineur, vêtu d’une houppelande de velours à brandebourgs d’or, se penche sur le dossier pour donner une impulsion plus rapide au traîneau qu’il pousse et dirige en même temps.

Les paroles entre la dame masquée et le patineur à la houppelande de velours s’échangent à la portée du souffle, et nul ne saurait blâmer un rendez-vous secret donné sous la voûte des cieux, à la vue de Versailles tout entier.

Ce qu’ils disent, qu’importe aux autres puisqu’on les voit, qu’importe à eux qu’on les voie puisqu’on ne les entend pas : il est évident qu’au milieu de tout ce monde ils vivent d’une vie isolée, ils passent dans la foule comme deux oiseaux voyageurs : où vont-ils ? à ce monde inconnu que toute âme cherche et qu’on appelle le bonheur.

Tout à coup, au milieu de ces sylphes qui glissent bien plus qu’ils ne marchent, il se fait un grand mouvement, il s’élève un grand tumulte.

C’est que la reine vient d’apparaître au bord de la pièce d’eau des Suisses, qu’on l’a reconnue, et qu’on s’apprête à lui céder la place, quand elle fait de la main signe à chacun de demeurer.

Le cri de Vive la reine! retentit ; puis, forts de la permission, patineurs qui volent et traîneaux qu’on pousse, forment, comme par un mouvement électrique, un grand cercle autour de l’endroit où l’auguste visiteuse s’est arrêtée.

L’attention générale est fixée sur elle.

Les hommes alors se rapprochent par de savantes manœuvres, les femmes s’ajustent avec une respectueuse décence, enfin chacun trouve moyen de se mêler presque aux groupes de gentilshommes et de grands officiers qui viennent offrir leurs complimens à la reine.

Parmi les principaux personnages que le public a remarqués, il en est un fort remarquable qui, au lieu de suivre l’impulsion générale et de venir au-devant de la reine, il en est un qui, au contraire, reconnaissant sa toilette et son entourage, quitte son traîneau et se jette dans une contre-allée où il disparut avec les personnes de sa suite.

Le comte d’Artois, que l’on remarquait au nombre des