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Le Collier de la reine

plus élégans et plus légers patineurs, ne fut pas des derniers à franchir l’espace qui le séparait de sa belle-sœur, et à venir lui baiser la main.

Puis, en lui baisant la main : — Voyez-vous, lui dit-il bas, comme notre frère monsieur do Provence vous évite ?

Et en disant ces mots, il désignait du doigt l’altesse royale, qui, à grands pas, marchait dans le taillis plein de givre, pour aller par un détour à la recherche de son carrosse.

— Il ne veut pas que je lui fasse des reproches, dit la reine.

— Oh ! quant aux reproches qu’il attend, cela me regarde, et ce n’est point pour cela qu’il vous craint.

— C’est pour sa conscience alors, dit gaîment la reine.

— Pour autre chose encore, ma sœur.

— Pourquoi donc ?

— Je vais vous le dire. Il vient d’apprendre que monsieur de Suffren, le glorieux vainqueur, doit arriver ce soir, et comme la nouvelle est importante, il veut vous la laisser ignorer.

La reine vit autour d’elle quelques curieux, dont le respect n’éloignait pas tellement les oreilles qu’ils ne pussent entendre les paroles de son beau-frère.

— Monsieur de Taverney, dit-elle, soyez assez bon pour vous occuper de mon traîneau, je vous prie, et si votre père est là, embrassez-le, je vous donne congé pour un quart-d’heure.

Le jeune homme s’inclina et traversa la foule pour aller exécuter Tordre de la reine.

La foule aussi avait compris : elle a parfois des instincts merveilleux ; elle élargit le cercle, et la reine et le comte d’Artois se trouvèrent plus à l’aise.

— Mon frère, dit alors la reine, expliquez-moi, je vous prie, ce que mon frère gagne à ne point me faire part de l’arrivée de monsieur de Suffren.

— Ohl ma sœur, est-il bien possible que vous, femme, reine et ennemie, vous ne saisissiez pas tout à coup l’in-