Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/103

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attendant, vous avez vu de quelle façon j’en ai agi envers vous.

— Oh ! oui, Monsieur, s’écria Dantès, et je vous remercie, car vous avez été pour moi bien plutôt un ami qu’un juge.

— Eh bien ! Monsieur, je vais vous retenir quelque temps encore prisonnier, le moins longtemps que je pourrai ; la principale charge qui existe contre vous, c’est cette lettre, et vous voyez…

Villefort s’approcha de la cheminée, la jeta dans le feu, et demeura jusqu’à ce qu’elle fût réduite en cendres.

— Et vous voyez, continua-t-il, je l’anéantis.

— Oh ! s’écria Dantès, Monsieur, vous êtes plus que la justice, vous êtes la bonté !

— Mais, écoutez-moi, poursuivit Villefort, après un pareil acte, vous comprenez que vous pouvez avoir confiance en moi, n’est-ce pas ?

— Ô Monsieur ! ordonnez et je suivrai vos ordres.

— Non, dit Villefort en s’approchant du jeune homme, non, ce ne sont pas des ordres que je veux vous donner ; vous le comprenez, ce sont des conseils.

— Dites, et je m’y conformerai comme à des ordres.

— Je vais vous garder jusqu’au soir ici, au palais de justice ; peut-être qu’un autre que moi viendra vous interroger : dites tout ce que vous m’avez dit, mais pas un mot de cette lettre.

— Je vous le promets, Monsieur.

C’était Villefort qui semblait supplier, c’était le prévenu qui rassurait le juge.

— Vous comprenez, dit-il en jetant un regard sur les cendres, qui conservaient encore la forme du papier, et qui voltigeaient au-dessus des flammes : maintenant, cette lettre est anéantie, vous et moi savons seuls qu’elle