Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/124

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— Faites arrêter votre voiture devant la porte.

— Sans aucun doute, vous m’excuserez auprès de la marquise, n’est-ce pas ? auprès de mademoiselle de Saint-Méran, que je quitte dans un pareil jour avec un bien profond regret.

— Vous les trouverez toutes deux dans mon cabinet, et vous pourrez leur faire vos adieux.

— Merci cent fois ; occupez-vous de ma lettre.

Le marquis sonna ; un laquais parut.

— Dites au comte de Salvieux que je l’attends.

— Allez, maintenant, continua le marquis s’adressant à Villefort.

— Bon, je ne fais qu’aller et venir.

Et Villefort sortit tout courant ; mais à la porte il songea qu’un substitut du procureur du roi qui serait vu marchant à pas précipités risquerait de troubler le repos de toute une ville ; il reprit donc son allure ordinaire, qui était toute magistrale.

À sa porte il aperçut dans l’ombre comme un blanc fantôme qui l’attendait debout et immobile.

C’était la belle fille catalane, qui, n’ayant pas de nouvelles d’Edmond, s’était échappée à la nuit tombante du Pharo pour venir savoir elle-même la cause de l’arrestation de son amant.

À l’approche de Villefort elle se détacha de la muraille contre laquelle elle était appuyée et vint lui barrer le chemin. Dantès avait parlé au substitut de sa fiancée, et Mercédès n’eut point besoin de se nommer pour que Villefort la reconnût. Il fut surpris de la beauté et de la dignité de cette femme, et lorsqu’elle lui demanda ce qu’était devenu son amant, il lui sembla que c’était lui l’accusé, et que c’était elle le juge.

— L’homme dont vous parlez, dit brusquement