Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/130

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dans ce petit cabinet des Tuileries, à la fenêtre cintrée, si bien connu pour avoir été le cabinet favori de Napoléon et de Louis XVIII, et pour être aujourd’hui celui de Louis-Philippe.

Là, dans ce cabinet, assis devant une table de noyer qu’il avait rapportée d’Hartwell, et que, par une de ces manies familières aux grands personnages, il affectionnait tout particulièrement, le roi Louis XVIII écoutait assez légèrement un homme de cinquante à cinquante-deux ans, à cheveux gris, à la figure aristocratique et à la mise scrupuleuse, tout en notant à la marge un volume d’Horace, édition de Gryphius, assez incorrecte quoique estimée, et qui prêtait beaucoup aux sagaces observations philologiques de Sa Majesté.

— Vous dites donc, Monsieur ? dit le roi.

— Que je suis on ne peut plus inquiet, sire.

— Vraiment ? auriez-vous vu en songe sept vaches grasses et sept vaches maigres ?

— Non, sire, car cela ne nous annoncerait que sept années de fertilité et sept années de disette, et, avec un roi aussi prévoyant que l’est Votre Majesté, la disette n’est pas à craindre.

— De quel autre fléau est-il donc question, mon cher Blacas ?

— Sire, je crois, j’ai tout lieu de croire qu’un orage se forme du côté du Midi.

— Eh bien, mon cher duc, répondit Louis XVIII, je vous crois mal renseigné, et je sais positivement au contraire qu’il fait très beau temps de ce côté-là.

Tout homme d’esprit qu’il était, Louis XVIII aimait la plaisanterie facile.

— Sire, dit M. de Blacas, ne fût-ce que pour rassurer un fidèle serviteur, Votre Majesté ne pourrait-elle pas