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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/255

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mince volume avait imprimé la forme d’un cylindre rebelle à s’étendre.

Il montra sans rien dire le papier à Dantès.

— Qu’est-ce cela ? demanda celui-ci.

— Regardez bien, dit l’abbé en souriant.

— Je regarde de tous mes yeux, dit Dantès, et je ne vois rien qu’un papier à demi brûlé, et sur lequel sont tracés des caractères gothiques avec une encre singulière.

— Ce papier, mon ami, dit Faria, est, je puis vous tout avouer maintenant puisque je vous ai éprouvé, ce papier c’est mon trésor, dont à compter d’aujourd’hui la moitié vous appartient.

Une sueur froide passa sur le front de Dantès. Jusqu’à ce jour, et pendant quel espace de temps ! il avait évité de parler avec Faria de ce trésor, source de l’accusation de folie qui pesait sur le pauvre abbé ; avec sa délicatesse instinctive, Edmond avait préféré ne pas toucher cette corde douloureusement vibrante ; et, de son côté, Faria s’était tu. Il avait pris le silence du vieillard pour un retour à la raison ; aujourd’hui, ces quelques mots, échappés à Faria après une crise si pénible, semblaient annoncer une grave rechute d’aliénation mentale.

— Votre trésor ? balbutia Dantès.

Faria sourit.

— Oui, dit-il ; en tout point vous êtes un noble cœur, Edmond, et je comprends, à votre pâleur et à votre frisson, ce qui se passe en vous en ce moment. Non, soyez tranquille, je ne suis pas fou. Ce trésor existe, Dantès, et s’il ne m’a pas été donné de le posséder, vous le posséderez, vous : personne n’a voulu m’écouter ni me croire parce qu’on me jugeait fou ; mais vous, qui devez savoir que je ne le suis pas, écoutez-moi, et vous me croirez après si vous voulez.