Aller au contenu

Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plaques de sueur qui perlaient sur son front comme les premières gouttes d’une pluie d’orage.

— Ma foi, dit Dantès, voisin Caderousse, ce n’est point la peine de me démentir pour si peu. Mercédès n’est point encore ma femme, c’est vrai… (Il tira sa montre.) Mais, dans une heure et demie elle le sera !

Chacun poussa un cri de surprise, à l’exception du père Dantès dont le large rire montra les dents encore belles. Mercédès sourit et ne rougit plus. Fernand saisit convulsivement le manche de son couteau.

— Dans une heure ! dit Danglars pâlissant lui-même ; et comment cela ?

— Oui, mes amis, répondit Dantès, grâce au crédit de M. Morrel, l’homme après mon père auquel je dois le plus au monde, toutes les difficultés sont aplanies. Nous avons acheté les bans, et à deux heures et demie le maire de Marseille nous attend à l’hôtel de ville. Or, comme une heure et un quart viennent de sonner, je ne crois pas me tromper de beaucoup en disant que dans une heure trente minutes Mercédès s’appellera madame Dantès.

Fernand ferma les yeux : un nuage de feu brûla ses paupières ; il s’appuya à la table pour ne pas défaillir, et, malgré tous ses efforts, ne put retenir un gémissement sourd qui se perdit dans le bruit des rires et des félicitations de l’assemblée.

— C’est bien agir, cela, hein, dit le père Dantès. Cela s’appelle-t-il perdre son temps, à votre avis ? Arrivé d’hier au matin, marié aujourd’hui à trois heures ! Parlez-moi des marins pour aller rondement en besogne.

— Mais les autres formalités, objecta timidement Danglars : le contrat, les écritures ?…

— Le contrat, dit Dantès en riant, le contrat est tout