Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/103

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— Moitié le 15 de ce mois-ci, moitié le 15 du mois prochain.

— C’est cela ; puis voici trente-deux mille cinq cents francs, fin courant : ce sont des traites signées de vous et passées à notre ordre par des tiers-porteurs.

— Je les reconnais, dit Morrel, à qui le rouge de la honte montait à la figure en songeant que pour la première fois de sa vie il ne pourrait peut-être pas faire honneur à sa signature ; est-ce tout ?

— Non, Monsieur, j’ai encore pour la fin du mois prochain ces valeurs-ci, que nous ont passées la maison Pascal et la maison Wild et Turner de Marseille, cinquante-cinq mille francs à peu près : en tout deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs.

Ce que souffrait le malheureux Morrel pendant cette énumération est impossible à décrire.

— Deux cent quatre-vingt-sept mille cinq cents francs ! répéta-t-il machinalement.

— Oui, Monsieur, répondit l’Anglais. Or, continua-t-il après un moment de silence, je ne vous cacherai pas, monsieur Morrel, que, tout en faisant la part de votre probité sans reproches jusqu’à présent, le bruit public de Marseille est que vous n’êtes pas en état de faire face à vos affaires.

À cette ouverture presque brutale, Morrel pâlit affreusement.

— Monsieur, dit-il, jusqu’à présent, et il y a plus de vingt-quatre ans que j’ai reçu la maison des mains de mon père qui lui-même l’avait gérée trente-cinq ans, jusqu’à présent pas un billet signé Morrel et fils n’a été présenté à la caisse sans être payé.

— Oui, je sais cela, répondit l’Anglais ; mais d’homme d’honneur à homme d’honneur, parlez franchement,