Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/104

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Monsieur, payerez-vous ceux-ci avec la même exactitude ?

Morrel tressaillit et regarda celui qui lui parlait ainsi avec plus d’assurance qu’il ne l’avait encore fait.

— Aux questions posées avec cette franchise, dit-il, il faut faire une réponse franche. Oui, Monsieur, je payerai si, comme je l’espère, mon bâtiment arrive à bon port, car son arrivée me rendra le crédit que les accidents successifs dont j’ai été la victime m’ont ôté ; mais si par malheur le Pharaon, cette dernière ressource sur laquelle je compte, me manquait…

Les larmes montèrent aux yeux du pauvre armateur.

— Eh bien, demanda son interlocuteur, si cette dernière ressource vous manquait ?…

— Eh bien, continua Morrel, Monsieur, c’est cruel à dire… mais, déjà habitué au malheur, il faut que je m’habitue à la honte… eh bien, je crois que je serais forcé de suspendre mes paiements.

— N’avez-vous donc point d’amis qui puissent vous aider dans cette circonstance ?

Morrel sourit tristement.

— Dans les affaires, Monsieur, dit-il, on n’a point d’amis, vous le savez bien, on n’a que des correspondants.

— C’est vrai, murmura l’Anglais. Ainsi vous n’avez plus qu’une espérance ?

— Une seule.

— La dernière ?

— La dernière.

— De sorte que si cette espérance vous manque…

— Je suis perdu, Monsieur, complètement perdu.

— Comme je venais chez vous, un navire entrait dans le port.

— Je le sais. Monsieur. Un jeune homme qui est resté fidèle à ma mauvaise fortune passe une partie de son