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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/111

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Le capitaine descendit le dernier, ou plutôt, non, il ne descendit pas, car il ne voulait pas quitter le navire c’est moi qui le pris à bras-le-corps et le jetai aux camarades, après quoi je sautai à mon tour. Il était temps. Comme je venais de sauter, le pont creva avec un bruit qu’on aurait dit la bordée d’un vaisseau de quarante-huit.

Dix minutes après il plongea de l’avant, puis de l’arrière, puis il se mit à tourner sur lui-même comme un chien qui court après sa queue ; et puis, bonsoir la compagnie, brrrou !… tout a été dit, plus de Pharaon !

Quant à nous, nous sommes restés trois jours sans boire ni manger ; si bien que nous parlions déjà de tirer au sort pour savoir celui qui alimenterait les autres, quand nous aperçûmes la Gironde : nous lui fîmes des signaux, elle nous vit, mit le cap sur nous, nous envoya sa chaloupe et nous recueillit. Voilà comme ça s’est passé, M. Morrel, parole d’honneur ! foi de marin ! N’est-ce pas ? les autres ?

Un murmure général d’approbation indiqua que le narrateur avait réuni tous les suffrages par la vérité du fonds et le pittoresque des détails.

— Bien, mes amis, dit M. Morrel, vous êtes de braves gens, et je savais d’avance que dans le malheur qui m’arrivait il n’y avait pas d’autre coupable que ma destinée. C’est la volonté de Dieu et non la faute des hommes. Adorons la volonté de Dieu. Maintenant combien vous est-il dû de solde ?

— Oh ! bah ! ne parlons pas de cela, monsieur Morrel.

— Au contraire, parlons-en, dit l’armateur avec un sourire triste.

— Eh bien ! on nous doit trois mois… dit Penelon.

— Coclès, payez deux cents francs à chacun de ces